À la Soupe Saint-Eustache, des repas réconfortants, au cœur de l’hiver

La Soupe Saint-Eustache est une association créée en 1984 qui distribue chaque soir pendant tout l’hiver des milliers de repas chauds à des personnes en situation de précarité, au cœur de Paris, à la sortie du métro Châtelet-les Halles.

La file d’attente se voit de loin. Ce saisissant cortège, que Victor Hugo aurait su dépeindre, patiente le long de l’église, dans la pénombre glacée du mois de janvier. Les invités, comme les appellent les bénévoles de la Soupe Saint-Eustache, association soutenue par la Fondation Notre Dame, sont essentiellement des personnes sans-abri et des travailleurs pauvres.

Cette année, ils sont environ 240 chaque soir. Ici, on leur offre un bol de soupe fumante, un plat copieux, un dessert et un café, mais aussi un sac avec un repas à emporter pour leur déjeuner du lendemain. Cette distribution a lieu tous les soirs du 1er décembre au 31 mars, même le jour de Noël, « et aussi le jour de la Saint-Valentin, car les gens ont besoin d’amour ! » glisse malicieusement Jean-Pascal, un bénévole. En 2023, 32 000 repas ont été servis par les 350 bénévoles de l’association.

Photo 8 (c) La Soupe Saint-Eustache

Une préparation efficace et bien orchestrée

Une heure plus tôt, dans la crypte de l’église, Tamara, la responsable de la distribution du samedi, supervise la préparation des sacs. « N’oubliez pas d’enlever les fèves des galettes des rois ! » lance-t-elle à la cantonade. Il vaut mieux éviter les dents cassées… Non loin de là, rue Poissonnière, dans les cuisines d’un restaurant associatif, d’autres bénévoles font mijoter le plat chaud (du bœuf et des pommes de terre) depuis plusieurs heures déjà. Ce jour-là, la soupe a été préparée par une entreprise partenaire et arrive dans deux norvégiennes sanglées dans un vélo cargo. L’association a de nombreux soutiens et la solidarité est grande dans le quartier mais les coûts restent élevés, notamment pour l’achat de viande. Le soutien de la Fondation Notre Dame permettra de financer la cuisine professionnelle ainsi que l’achat de denrées alimentaires. À partir des 19h, certains bénévoles partent avec des charriots récupérer les invendus dans l’une des onze boulangeries partenaires de l’association.

Tout va très vite mais l’organisation est parfaitement huilée : chacun sait ce qu’il a à faire. Il faut dire que l’association a fêté ses quarante ans d’existence en décembre dernier et que la plupart des bénévoles sont là depuis très longtemps. Laurent, qui coupe du pain pour en faire des croûtons pour la soupe, aide au service et à la distribution depuis trente ans. La première fois qu’il est venu, il accompagnait sa mère, elle-même bénévole jusqu’à ses quatre-vingt-dix ans ! C’est un engagement qui se transmet.

Photo 6 (c) La Soupe Saint-Eustache
Photo 3 (c) La Soupe Saint-Eustache

À 19h20, Tamara distribue les rôles pour la soirée, trois personnes pour la soupe, deux pour le plat, une pour le sel et le poivre, deux autres pour le café… Les bénévoles enfilent des gants jetables alimentaires. Tout est prêt. À 19h30 précises, deux portes de la salle paroissiale sont ouvertes, un stand pour la soupe, un autre pour les sacs, et la distribution commence. Un barnum a été installé sur la place pour servir le plat principal. Les files s’égrènent assez rapidement.

Des invités fidèles et reconnaissants

La plupart des invités viennent chaque soir, comme Jacques, un habitué, qui a fait toutes les saisons de la Soupe Saint-Eustache depuis dix ans. Il est sorti de la rue en 2009 mais sa situation reste instable. « Les bénévoles sont mes amis, maintenant, je connais tout le monde, je venais déjà quand ils distribuaient sur le parvis ! » Depuis que ledit parvis a été restauré, il n’est plus possible de s’y installer pour les distributions. Pour Yvette, quatre-vingt-trois ans, c’est la première fois. « Je me suis cassé la jambe, alors je ne peux plus cuisiner, donc je suis venue. Je connaissais déjà un peu l’association, je suis du quartier. »

Pour James, venir ici est le seul moyen de manger un vrai repas : « Je suis au RSA, j’ai juste une chambre, pas de cuisine, donc je ne peux rien faire cuire, ici la nourriture est bonne et chaude, et les gens sont gentils. » Un bénévole accueille ceux qui viennent pour la première fois et leur explique le fonctionnement de la distribution. « Il faut que tout le monde respecte les règles, sinon il y a des bagarres » affirme Jacques. La plupart du temps, tout se passe très bien, mais il ne faut pas oublier que la plupart des personnes qui viennent à la Soupe sont extrêmement précaires et fragilisées. Cette initiative solidaire qui dure tout l’hiver est d’autant plus importante car un repas chaud, servi avec cœur, ragaillardit et redonne foi en l’humanité.

image 0 (c) Maëlle Daviet

© La Soupe Saint-Eustache ; Maëlle Daviet