Au vestiaire de l’association Solidarités Saint-Bernard, des vêtements et des liens tissés

Il fait très froid, en ce matin de janvier. Quelques tentes sont plantées autour de l’église Saint-Bernard de la Chapelle, haut lieu historique de la défense des sans-papiers à Paris. Non loin de là, dans une petite rue qui donne sur la place de l’église, derrière une vitre embuée, c’est la chaleur humaine qui accueille celui qui franchit la porte. Situé dans le 18e arrondissement de Paris, le vestiaire de l’association Solidarités Saint-Bernard offre des vêtements issus de collectes à ceux qui en ont besoin et leur propose également un accompagnement personnalisé.

Un lieu où recevoir des vêtements et des fournitures

« Bonjour, vous voulez un ticket ? De quoi avez-vous besoin ? » Bienvenue au vestiaire, l’une des quatre activités de l’association Solidarités Saint-Bernard, soutenue par la Fondation Notre Dame, qui propose également des petits-déjeuners, des cours de français langue étrangère et un hébergement Hiver Solidaire à six personnes qui dorment au chaud dans les locaux de la paroisse. En fonction des dons et des achats possibles, l’association organise aussi une dizaine de fois par an des distributions de colis de nourriture de douze à quinze kilos.

Au vestiaire, les personnes en situation de grande précarité peuvent venir chercher des vêtements mais aussi prendre un café. Le premier stand du vestiaire est réservé aux produits d’hygiène (savon, dentifrice, couches pour bébés…), puis l’on passe aux chaussettes, aux chaussures et enfin aux plus grosses pièces (pulls, manteaux, pantalons…). Il y a également des draps, des jouets, quelques livres… Une femme, qui porte son bébé sur le dos, se penche sur les bacs de vêtements et les inspecte consciencieusement. Elle semble savoir exactement ce qu’elle cherche. Plus loin, un bébé dort dans une poussette, imperturbable.

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Le vestiaire s’approvisionne en vêtements grâce à différents organismes, des dons de particuliers, des ressourceries mais aussi la chaîne Zara qui envoie deux fois par an une quarantaine de cartons de vêtements, soit 170 pièces au total, après la période des soldes. Dans le quartier, nombreux sont les commerçants qui font aussi un geste solidaire, comme ce pharmacien qui déstocke pour eux et leur permet d’avoir des produits d’hygiène à bas prix et les boulangeries qui donnent leurs viennoiseries invendues. Le soutien de la Fondation Notre Dame permettra de participer au loyer, à l’achat de kits d’hygiène et de vêtements, pour compléter les dons reçus.

Un lieu de rencontre et d’entraide

Beaucoup de ceux qui viennent ici vivent dehors le reste du temps. Ce sont essentiellement des migrants. Ce lieu leur permet de s’habiller mais également d’être accompagnés dans leurs démarches administratives, de santé, de logement, d’emploi et de formation professionnelle, si tel est leur souhait. Cette activité fonctionne grâce à une quinzaine de bénévoles très réguliers et une trentaine d’autres qui viennent en renfort, dont plusieurs migrants qui ont bénéficié au cours des dernières années de l’aide de l’association.

 

« Attendez, je vais vous trouver une chambre pour ce soir. » Laurence, l’animatrice bénévole du vestiaire, retient une femme à l’air très las et passe quelques coups de fil. En vain. Aujourd’hui, tous les lieux d’accueil sont pleins. Dans la pièce principale, où se trouvent les pulls et les manteaux, certains tiennent salon. « Au moins, on a chaud ici. » Dehors, les températures sont en train de passer sous zéro. Une femme enceinte de sept mois repart les bras chargés de layette. La responsable lui donne aussi le nom de deux associations qui s’occupent des jeunes mères en difficulté.

 

Faiza et Wahiba sont bénévoles au vestiaire. Elles viennent deux jours par semaine, pour trier les dons car beaucoup de choses sont en mauvais état et ne peuvent être proposées. « C’est un travail sans fin ! » expliquent-elles. Dans une salle située au sous-sol se trouve le stock, rempli de vêtements, mais les plus recherchés manquent toujours : des chaussures, des manteaux chauds et des sacs à dos.

 

Pourtant, même lorsque les personnes ne trouvent pas leur bonheur, elles sont contentes d’être passées. Il y a des sourires sur tous les visages. Ici, chacun se sent accueilli, c’est un lieu de rencontre avant d’être un lieu de distribution. « Le vestiaire, c’est notre famille », confie Souad, une jeune femme d’origine syrienne. Donner un vêtement n’est pas qu’une aide matérielle, habiller convenablement et surtout chaudement celui qui en a besoin, c’est lui rendre sa dignité.

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Muhammad, bénéficiaire de l’association, témoigne

Muhammad vient du Sierra Leone mais cela fait presque dix ans qu’il est sur les routes d’Europe. Il est longtemps resté en Italie, puis à Marseille. Arrivé à Paris, il avait planté sa tente sur la place de l’Hôtel de Ville avant d’être délogé par les forces de l’ordre. « Il ne faut pas qu’il y ait trop de tentes, quand il y a trop de tentes, ils les enlèvent ». Actuellement hébergé dans les locaux de la paroisse Saint-Bernard de la Chapelle grâce au dispositif « Hiver Solidaire », des démarches sont en cours pour lui trouver un hébergement pérenne par la suite. Mais surtout, Muhammad va mieux, depuis qu’il a rencontré les membres de l’association. « J’avais beaucoup de colère en moi, je me battais tout seul. » Il évoque les innombrables rendez-vous administratifs qui rendent tout travail impossible à garder. Ici, il vient donner un coup de main pour trier les vêtements, prendre un café, il n’est plus seul, il est aidé, et le grand sourire qu’il adresse aux bénévoles est sans équivoque. « C’est grâce à eux. »

© Maëlle Daviet