Pour la table et la bonne compagnie, au cœur des Batignolles

L’association œcuménique « Solidarité Chrétienne des Batignolles – Repas Partagés », soutenue par la Fondation Notre Dame, offre chaque semaine, depuis quarante ans, des repas assis à des personnes démunies de tous les horizons, dans quatre sites du XVIIe arrondissement de Paris.

Une organisation bien huilée

Dès la porte d’entrée, le fumet de viande mijotée indique le chemin de la cuisine de la maison Saint-Michel. Il est onze heures. Quatre bénévoles s’activent en cuisine pour préparer le déjeuner des vingt-cinq convives attendus. « Ici, c’est la meilleure table de Paris ! » assurera plus tard l’un d’eux. Avec une entrée, un plat avec de la viande et des légumes, de la salade, du fromage, un dessert et un café, pour la plupart d’entre eux c’est le seul vrai repas de la journée. Aujourd’hui, c’est Patrick le chef. Il a fait le menu, les courses et surveille avec attention la cuisson de ses « bestiaux » dans le four. La cuisine est prêtée par la paroisse Saint-Michel, avec une salle de réception attenante et une ouverture directement sur la rue, parfaite pour l’accessibilité.

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Patrick est un pilier de « Solidarité Chrétienne des Batignolles – Repas Partagés » depuis dix ans. Chaque semaine, grâce à plusieurs dizaines de bénévoles, cette association œcuménique organise des repas assis pour des personnes démunies du XVIIe arrondissement de Paris, le mardi à l’église Saint-Michel, le jeudi à l’église réformée des Batignolles et le samedi à l’Église Saint-Joseph des Épinettes. Elle organise également une distribution de « colis-repas » le vendredi à l’église Saint-Charles de Monceau.

Ainsi, 4 500 déjeuners sont offerts par an. Les déjeuners regroupent entre 25 et 40 convives, selon les sites. L’association est soutenue par des dons de particuliers, par la Fondation Notre Dame et par la participation annuelle des bénévoles aux collectes de la Banque Alimentaire qui lui procure une part importante de ses ressources.

Un rendez-vous très attendu

À partir d’11h30, les premiers convives commencent à arriver. Patrick les connaît tous par leur prénom. Il pointe les arrivées grâce à un système de tickets distribués la semaine précédente. Certains viennent « comme des fantômes » pour reprendre les mots d’un bénévole. Ils ne parlent à personne, déjeunent rapidement et repartent sans un mot. Mais la plupart s’apostrophent gaiement, heureux de se retrouver. Pourtant, leur situation n’a rien de drôle.

 

Du « léger revers de fortune », évoqué pudiquement par Claude, à la vie pérenne à la rue de certains, tous sont en situation de grande précarité : Christian est lourdement handicapé, Béatrice a fait un AVC il y a cinq ans qui l’empêche désormais de travailler, Maurice quant à lui a une petite retraite qui lui permet tout juste de survivre mais il vient ici surtout pour voir des gens. « Tu me gardes une place ! » lui crie Christian. C’est inutile de le préciser : ils s’assoient toujours à la même table. « Ici, c’est le cercle des poètes disparus » annonce fièrement Maurice pour les désigner.

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Ce déjeuner est un rendez-vous attendu, un point fixe, une attache dans des vies souvent solitaires et désœuvrées, qui entre dans une démarche plus générale de maintien du tissu social. Les convives discutent, se racontent leurs problèmes, se soutiennent ou se concentrent simplement sur la nourriture copieuse, chaude et équilibrée qui leur est servie. S’ils ont de gros problèmes, ils peuvent s’en ouvrir aux bénévoles qui les redirigeront vers des personnes ou services adéquats. L’association organise des entretiens avec chacun des convives pour savoir où ils en sont dans leur vie du point de vue du logement, de l’emploi, des ressources…

La bagagerie solidaire

L’association organisera en novembre un grand repas qui réunira les bénévoles et les convives de tous les sites pour fêter ses quarante ans d’existence. Un nouveau projet très important a été lancé en 2021 : l’ouverture d’une bagagerie solidaire dans le XVIIe arrondissement, comme il en existe déjà plusieurs dans Paris et en banlieue. Il s’agit d’un lieu où des personnes de la rue peuvent déposer leurs affaires le matin dans des casiers fermés et les récupérer ultérieurement. Cela leur permet d’éviter de se faire voler leurs affaires dans la journée et d’être libres de leurs mouvements pour des démarches administratives, des soins, la recherche d’un emploi ou d’un logement…

C’est un lieu où ces personnes seront accueillies et auront aussi accès à une douche et à un ordinateur. Après un long parcours d’obstacles pour l’obtention des subventions d’équipement et de fonctionnement ainsi que des autorisations administratives diverses, les travaux d’aménagement du local ont enfin pu commencer. L’association espère que la bagagerie pourra ouvrir au premier trimestre 2025. Ce nouveau projet se situe dans la continuité des repas partagés et de ce qui caractérise l’association depuis ses débuts : la volonté de donner à des personnes en situation de précarité, dont le quotidien est trop souvent fait d’errances, un point d’ancrage.

© Maëlle Daviet