Le Relais Fraternel est une association située dans le XIIIe arrondissement de Paris qui organise chaque samedi des distributions de colis alimentaires. Soutenue par la Fondation Notre Dame, elle doit faire face à l’accroissement du nombre de bénéficiaires.
Le soleil perce à peine à travers les tours. Il n’est pas encore 8h30 mais déjà des bénévoles s’affairent dans le hangar où sont entreposés les aliments, derrière les grilles rouges de la paroisse Saint-Hippolyte. La valse de la constitution des colis commence. Une brique de lait, un paquet de riz, un paquet de farine, une boîte de haricots en conserve et des pêches au sirop.
« Le panier est léger, cette semaine… » murmurera plus tard un bénévole.
Il faut dire que le nombre de bénéficiaires est en forte augmentation. Depuis 2021, date à laquelle les organisateurs de cette distribution hebdomadaire de colis alimentaires, née pendant le Covid, se sont constitués en association, ils sont passés de 40 à 150 colis distribués, pour un total de 500 bénéficiaires.
Un lieu d’entraide
Ce sont des familles des cités voisines dans le besoin, des personnes sans-abri, des réfugiés ukrainiens, des personnes âgées avec une toute petite retraite…
« Parfois, nous allons même jusqu’à 170 ! » nous dit Roger, le président de l’association. Il fait partie des membres fondateurs du Relais Fraternel, soutenu financièrement par les paroissiens de Saint-Hippolyte et par la Fondation Notre Dame depuis sa création. Il supervise la distribution, aidé d’une vingtaine de bénévoles. Ils sont soixante en tout et se relaient chaque samedi.
Pendant la distribution, le Relais offre un café aux bénéficiaires et propose également à leurs enfants du soutien scolaire dans une salle paroissiale attenante. L’association organise aussi pour les jeunes des journées ludiques ou culturelles, pour les « sortir du quartier ».
« Nous misons tout sur les enfants » nous dit Roger.
Roger est comptable la semaine mais trouve tout de même le temps d’aller chercher des denrées à la Banque Alimentaire et de faire des courses pour compléter.
« 338 euros juste pour du riz. C’est cher, le riz. »
Il tient rigoureusement les comptes de l’association et met sans cesse à jour la base de données des bénéficiaires.
Il n’est pas rare qu’une personne passe d’un « Vous pouvez me dépanner aujourd’hui ? C’est exceptionnel… » à une inscription régulière sur la liste. Mais il essaye de ne pas être dépassé car leur fonctionnement et leurs finances ne permettent actuellement pas de prendre davantage de bénéficiaires.
« Nous sommes une association à taille humaine, nous voulons garder notre aspect convivial et familial. » ajoute-t-il. Les bénéficiaires sont pour la plupart envoyés par la mairie du XIIIe arrondissement. Le quartier est très marqué par la précarité, l’immeuble situé juste derrière la paroisse appartient au SAMU social.
Alice, 86 ans, ouvre énergiquement les paquets
« Les bénéficiaires sont tous mes amis, maintenant. On discute quand on se croise dans le quartier. » Elle est soucieuse du contenu des colis. « J’ai fait un chèque de 150 euros à l’association parce qu’on avait vraiment besoin d’argent mais c’est tout ce que je pouvais donner. »
Assez rapidement, les paniers sont prêts et classés selon la taille des familles, d’une à dix personnes. Il y a aussi des colis spéciaux, destinés aux personnes sans-abri. Il est inutile de leur donner de la farine ou du riz car ils n’ont pas la possibilité de cuisiner. Il n’y a pas de produits frais car l’association ne dispose pas de réfrigérateur.
À partir de 9h30, les bénéficiaires commencent à arriver mais la distribution ne commence qu’à 10h. Une file de cabas à roulettes se forme devant la porte, pour que chacun garde sa place par ordre d’arrivée, tandis que leurs propriétaires se placent sur le côté pour discuter. L’un des bénévoles distribue des cartes portant un numéro qui sera ensuite appelé.
Il y a des cartes spéciales pour les personnes à mobilité réduite. Sur une table à part, des vêtements qui ont été donnés sont disposés pour que les gens puissent se servir.
La plupart des bénéficiaires viennent d’abord ici pour récupérer leur colis, mais restent ensuite pour discuter. D’autres arrivent très discrètement et repartent très vite.
Un lieu de rencontre
« Vous savez, c’est pas drôle d’être pauvre, nous dit Amaria, une dame âgée. On se fait propre, comme ça, mais on souffre. À la fin du mois, je n’ai plus que 40 euros. J’ai pas de mari, pas d’enfant, j’ai rien. »
Americo, assis sur un banc, fume en buvant un café servi par Douchichou, un ancien bénéficiaire devenu bénévole.
« Moi, je ne viens pas prendre de colis, je viens pour le côté social. »
Deux femmes, assises sur un banc, attendent patiemment leur tour. Djimera a quatre enfants, dont l’aînée, Sira, qui est en CE2, l’accompagne chaque samedi. Elle porte son cartable sur le dos car, vers 9h45, une bénévole arrive et emmène les cinq enfants présents dans une salle de la paroisse pour faire leurs devoirs.
« Elle est à l’aise, alors elle me demande de venir tous les samedis. » explique sa mère reconnaissante.
Sali a huit enfants. Elle aime ce rendez-vous : « On vient pour se réunir. Quand on a des soucis, ici, on les oublie. »
Un groupe de six réfugiés ukrainiens se présente pour les colis spéciaux, ceux destinés aux personnes sans-abri. Élodie, une bénévole, nous précise qu’ils ne parlent pas français, qu’ils viennent chaque semaine et qu’à force, les bénévoles et bénéficiaires ont l’impression de bien les connaître, malgré la barrière de la langue. « On est comme une grande famille qui se réunit chaque samedi. » ajoute-t-elle. Les gens se connaissent, se saluent et chacun repart avec un peu de chaleur au cœur, en plus de son colis.
© Gil Fornet